Paul et les étoiles

Texte présenté au Blues-Sphere le 1 mars 2024 dans le cadre des soirées « Laisser dire » avec pour thème : « Planètes et Étoiles»

Quelques mois après la naissance de Paul, son père pressentait déjà qu’un grand destin s’offrirait à son enfant. Il percevait chez celui-ci quelque chose de différent. Une grande vigueur et une détermination qui s’exprimera plus tard avec singularité. Un grand besoin de liberté aussi.

Dès son plus jeune âge, Paul préférait l’école buissonnière aux contraintes d’un enseignement formel. Passionné par la pêche et par la chasse, il rentrait au foyer fier de ses trophées. Le soir, il prenait plaisir à contempler le ciel. Les étoiles surtout. Il aimait à les tutoyer, faisant d’elles des amies, des confidentes. Plus tard, il deviendra l’un de leurs plus grands ambassadeurs. Mais ça, il ne le savait pas encore.

À l’adolescence, son père considéra qu’il avait tout en lui pour perpétuer la tradition familiale commune à la lignée de ses deux parents. Joseph et sa femme décidèrent de l’envoyer en formation auprès d’un de leurs collègues à Lyon, Claude Maret. Une période d’apprentissage qui fut malheureusement interrompue par la guerre.

En 1944, à 18 ans, Paul s’engagea dans les forces françaises. Gravement blessé lors d’un affrontement avec l’ennemi, il échappa à la mort. Ses actes de courage furent récompensés par la Croix de guerre. 

Après le conflit, il bourlingua à Paris et à Vienne puis retourna sur ses terres, auprès des siens. C’est là que prit naissance sa légende.

Un inspecteur débarqua un jour à Collonges. Il posa quelques questions. Un homme discret, habitué à écouter plus qu’à parler, à analyser et à consigner scrupuleusement toutes ses observations. Un homme critique, d’autant plus redouté qu’il avait pour habitude de se fondre dans la masse. Il aura sans doute passé un peu plus de deux heures à Collonges. Des heures qui seront déterminantes pour l’avenir de Paul.

Nous sommes en 1958. L’inspecteur a rendu son avis. L’Auberge du Pont de Collonges, à Collonges-au-Mont-d’Or, obtient sa première étoile. En 1962 c’est une deuxième étoile puis en 1965 une troisième. La recette de ce succès : un homme, Paul Bocuse et un principe, une fidélité au terroir avec une cuisine simple et authentique.

Mais Paul Bocuse était surtout homme à aimer se réinventer. Meilleur ouvrier de France, la distinction dont il était le plus fier, il n’avait de cesse d’explorer de nouvelles voies tant en matière d’art culinaire que de développement de la notoriété de la cuisine française.

Il développa des restaurants aux États-Unis et au Japon et en 1987 il créa le concours mondial de la cuisine aussi dénommé Bocuse d’or, l’un des plus prestigieux concours de gastronomie au monde. En 1975, son parcours prestigieux lui valut le titre de chevalier de la Légion d’honneur remis à l’Élysée par le président Valéry Giscard d’Estaing. À cette occasion il créa la soupe aux truffes noires VGE.

Le métier le reconnaîtra comme cuisinier du siècle, chef du siècle, et même Pape de la cuisine.

Avec un tel titre apostolique, on peut supposer qu’à sa mort, en 2018, les portes du paradis lui furent grande ouvertes.

Saint-Pierre qui, paraît-il, est un fin gastronome aurait intercédé en personne auprès du Très Haut pour que tous ses péchés lui soient pardonnés, dont bien évidemment celui de gourmandise.