Il est intéressant de constater qu’un dialogue s’inscrit dans un contexte auquel il est parfois difficile d’échapper surtout lorsque la conversation prend une tournure focalisée sur l’état d’âme particulier d’un des interlocuteurs.
Si on y est attentif, on constate alors que le vocabulaire utilisé se cloisonne inconsciemment.
Je vous retranscris ici, presque intégralement, le bref dialogue téléphonique que j’ai eu dernièrement avec un bon copain et qui illustre parfaitement mon propos. Malgré les circonstances et la distance qui nous sépare désormais, j’ai avec lui des contacts épisodiques, particulièrement chaque début d’année qui est pour nous l’occasion de nous souhaiter mutuellement de bons vœux.
Moi : « Salut, Claudy, ça va ?… Bonne année ! »
Lui : « Ah c’est toi, depuis le temps. Oui, bonne année. »
Moi : « Et quelle nouvelle ? »
Lui : « Ça va, à part que je suis crevé »
Moi : « Ah bon »
Lui : « Ben oui, tu sais le boulot, les gosses, depuis ma rupture…Je suis débordé, je travaille comme un dingue, c’est vraiment du suicide. »
Moi : « Oui, j’imagine. »
Lui : « Je suis mort de fatigue et en plus, je dois aller à un enterrement et je suis déjà en retard. »
Moi : « Désolé, je te rappellerai plus tard si tu veux »
Lui : « Non ça va, de toute façon après ce ne sera pas possible parce que je dois aller voir ma mère. »
Moi : « Ah oui, elle va mieux ? »
Lui : « Non, elle est toujours malade …elle est presque à la mort, oui presque… »
Moi : « Mince. Ça fait bien un an qu’elle est comme ça. »
Lui : « Ben oui c’est vrai, il y a un an, c’était déjà le cas. »
Moi : « Hum… »
Lui : « Je vais la voir tous les jours à la maison de repos. Je ne te dis pas, c’est vraiment crevant. En plus, ce qui me tue ce sont les trajets. Je mets une demi-heure aller et une demi-heure retour. C’est mortel. Dis, faut vraiment que je te laisse, je dois aller à mon enterrement. »
Moi : « À ton enterrement ? »
Lui : « Non, c’est façon de dire … À l’enterrement dont je t’ai parlé… Un vieux du village…comme on n’aura pas l’occasion de se voir au Nouvel An, bois une bonne bière à ma santé. »
Moi : « Oui Claudy, toi aussi bois une bonne bière, allez courage et à bientôt. ».
Dans ce dialogue, mon brave ami Claudy était piégé inconsciemment par un état d’âme funeste et même funèbre.
Il en va ainsi pour beaucoup de conversations où un vocabulaire spécifique et restreint trouve expression en fonction de notre état d’esprit du moment, mais nous ne nous en rendons pas compte.
Lorsque ce phénomène se produit et devient inconsciemment gênant pour la personne à votre écoute, celle-ci vous poussera à changer de sujet et donc à modifier le choix de vos mots.
Pourquoi ce souhait de changement ?
Simplement parce que, comme dans notre cas de figure, c’est crevant de participer à de telles conversations.