Texte présenté au Blues Sphère le 7 mai 2019 dans le cadre des soirées « Laisser dire » avec pour thématique la fête des Mères.
Chère maman,
Cela fait longtemps que nous ne nous sommes plus parlé. Bien plus que les circonstances et le cours de la vie, ce sont sans doute, et je l’admets, mes nombreux défauts qui eurent raison de notre relation.
Mes mensonges d’abord, dès mes premiers balbutiements, puis mon hypocrisie qui s’installa au fil du temps. Mon égoïsme également, lié à une avarice que tu abhorres.
Ne parlons pas mes penchants sexuels aux multiples facettes qui t’ont toujours répugné, toi pour qui la fornication jubilatoire sera toujours tabou.
Tu as eu aussi l’art de réduire mes joyeuses libations à de l’ivrognerie même si je le concède, mon alcoolique mondain me porte souvent à des excès qui empoisonnent mon entourage. Être mondain, voici également un reproche que tu m’adresses, moi que tu considères comme un être superficiel et orgueilleux.
Pour conforter ta répugnance à mon égard, sache que depuis peu je fume des pétards et fréquente avec assiduité les casinos. Mes maîtresses me disent que mon addiction au jeu me perdra. Comme du reste, je n’en ai cure.
Mais toi qui me juges ainsi, qu’as-tu fait de ta vie ?
Je ne t’ai jamais connue qu’en peignoir jusqu’au mitan du jour puis flânant dans les boutiques ou prenant le thé avec tes amies. J’ai passé mon enfance à te voir traîner ta langueur en émettant des jugements de bien-pensante sur tout acte posé par autrui. C’est la sans doute ton passe-temps favori avec te manucurer. Ne rien foutre et critiquer tes semblables en restant vautrer dans ton divan avec pour seule compagne cette indolence travestie en dépression, telle est ton existence. Tes seuls plaisirs se résument encore aujourd’hui à lire des romans-photos et à choisir le menu des repas confectionnés par Josette, notre bonne.
C’est sous couvert d’une dépression teintée de migraines récurrentes que tu réduisais à portion congrue tes devoirs conjugaux au grand dam de papa qui pourtant te resta fidèle. Malgré ton peu de dispositions aux plaisirs de la chair, je me suis un jour invité dans ce monde et neuf mois plus tard tu fus bien forcée de faire face et d’assumer le travail de l’accouchement ; le seul effort auquel tu n’ais pu te soustraire durant toute ton existence.
Comme tu aimes le clamer partout, je ne suis qu’une boule de vices et je te fais honte.
J’ai la chance aujourd’hui d’en comprendre l’origine.
Ce ne fut pas toi qui m’a engendré mais l’oisiveté qui t’habite ; cette délicieuse paresse que j’ai héritée de toi, qui remplit tout mon être et que j’affectionne par-dessus tout.
Or comme tu le sais, l’oisiveté est mère de tous les vices.
C’est donc à elle, ma vrai bienheureuse génitrice, et non à toi que je souhaite aujourd’hui une excellente fête des mamans.
Georges