Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs
Reconnaissant, dans cet auditoire comble, nombre d’entre vous qui assumez des fonctions importantes au sein de la société civile ou religieuse et connaissant aussi l’extrême notoriété dont la plupart d’entre vous jouissent, sachant que vous êtes de milliers et afin de ne vexer personne, je me contenterai de vous saluer tous en vos titres et qualités.
Cela nous permettra également d’aller directement au cœur du sujet qui vous préoccupe.
Suivant votre requête, je me présente donc à vous, vous à qui je suis redevable soi-disant d’une explication. Mais quelle explication espérez-vous obtenir de ma part ? Vous voulez comprendre ? Mais comprendre quoi ?
Vous vous retrouvez aujourd’hui renvoyés dans les cordes, acculés au point de ne plus savoir où donner de la tête et c’est à moi que vous attribuez tous vos maux !
Je ne vous ai pourtant fait que de simples propositions. Liberté vous était laissée de les suivre.
Croyez-vous réellement que l’état déplorable du globe me réjouisse ? Vos arsenaux nucléaires et le réchauffement climatique dont vous êtes les géniteurs auront sous peu raison de notre monde. Vous vous en plaignez ! avez-vous pensé à ma propre personne ? Qu’adviendra-t-il de moi ? Qu’elle sera encore mon utilité dans un univers sans âme qui vive ? C’est ma destruction que vous entraînerez avec la vôtre. Dès lors, cherchez en vous, au plus profond de votre être, surtout dans votre libre arbitre et votre orgueil, les vraies causes de votre dévoiement. Cessez de voir en moi l’ultime bouc émissaire de tous vos égarements. En greffant ma tête ornée de cornes sur le corps de ce caprin, vous m’avez profondément outragé.
Maintenant que vous me contemplez enfin en chair et en os, vous pouvez constater que je suis des plus anodins. Contrairement à vous tous peuplant cette illustre assemblée, vous qui aimez tant les honneurs, la gloire et l’apparat, j’affectionne particulièrement la discrétion. J’ai plaisir à ressembler à un pauvre bougre androgyne dont la volonté est de se fondre dans la masse.
Si j’ai accepté votre invitation et si j’apparais en ce bas monde pour la première et unique fois, c’est pour vous ramener à la raison car moi aussi, ange déchu, prince des ténèbres, j’aime cette vallée de larmes et plus spécifiquement cette humanité qui me nourrit de sa vanité, de ses peurs et de ses discordes.
Croyez-moi, vous autodétruire ne résoudra en rien vos problèmes. Soyez lucides et raisonnables. Limitez-vous aux péchés véniels. Faites fi des péchés mortels, tout au moins ceux qui auraient pour conséquence d’anéantir à tout jamais notre planète ou le plus grand nombre d’entre vous. J’annule d’ailleurs tout pacte que j’aurai signé avec les plus faustiens parmi vous. Cette amnistie sera preuve de ma solidarité à votre égard et gage de ma bonne volonté pour construire un monde meilleur et durable.
Je ne répondrai à aucune de vos questions et m’en vais de ce pas rejoindre mon royaume. Vous ne me verrez plus jamais. N’essayez pas de me retenir ou de me suivre car assurément il vous en coûterait. Les armées de l’ombre veillent sans répit sur ma personne.
Je vous dis donc À Dieu… avec le ferme espoir toutefois que ce ne soit qu’un au revoir.